Vous êtes ici
Synclinal d’Albas
En arrivant au village par la route de Cascastel, on découvre une crête rocheuse en forme de sinusoïde et celle-ci est renseignée par la dénomination « géosynclinal d’Albas » sur toutes les cartes et dépliants touristiques.
On remarque sur ces photos panoramiques que cette ondulation est juste le résultat de l’érosion due au passage du ruisseau et que la ligne de crête est bien continue.
Mais qu’est ce alors que ce « géosynclinal » ?
Par définition, un géosynclinal représente une profonde dépression de l'écorce terrestre partiellement comblée par une couche épaisse de sédiments et, dés 1870, ce terme géosynclinal est appliqué aux fosses remplies de sédiments marins des mers profondes. Cette appellation de géosynclinal règnera en maître jusque dans les années 1960.
Les anciens géologues avaient constaté depuis longtemps qu’il existait un plissement des terrains, un creux, le long d’un axe passant par les villages de TALAIRAN et de COUSTOUGES.
Pour expliquer cette dépression, ils se basaient sur le fait qu’une mer avait inondé progressivement l’endroit au secondaire et la masse engendrée aurait fait s’enfoncer les terrains.
Ils appelèrent dés lors cette singularité « géosynclinal d’Albas ».
Après 1960, grâce aux nouvelles connaissances sur les fonds océaniques, conséquence du problème de rupture des câbles transocéaniques, est acceptée et reconnue l’hypothèse que Wegener a émise en 1910 de la dérive des continents et la géologie française adopte à partir de 1970 cette théorie dite de la tectonique des plaques.
Actuellement, au lieu de géosynclinal d’Albas on parlerait de résultante de mouvements tectoniques sous forme de plissements (le synclinal qui s’étend de TALAIRAN à COUSTOUGES) et de charriage de nappe (exemples : la Pinède de DURBAN, décrite au paragraphe suivant, ou entre Albas et Coustouge où des terrains jurassiques secondaires ont glissés sur plusieurs kilomètres et se sont posés sur des terrains plus récents du tertiaire).
L’appellation de géosynclinal est donc totalement erronée mais néanmoins consacrée par l’usage !
Ces mouvements tectoniques s’expliquent par les déplacements de la plaque Ibérique par rapport à la plaque Européenne :
Au début du jurassique (il y a 200 millions d’années ou -200Ma) l'Amérique quitte l'Europe et l’océan Atlantique se crée.
La plaque ibérique (l'Espagne) veut suivre ce mouvement, elle s’éloigne de quasi 200 km de sa position actuelle en remontant vers le NW (-110 Ma) et l’océan remplit le vide créé.
Ensuite la plaque ibérique revient en un mouvement de translation et de légère rotation, à la vitesse moyenne de l'expansion océanique, soit 1 cm/an.
Au Crétacé supérieur, (-75 Ma) l'Espagne était encore à 100 km au sud de sa position actuelle.
Au début du Tertiaire (-65 Ma), elle remonte vers le nord du fait du mouvement de l'Afrique, provoquant ainsi le plissement de la zone de coulissement, avec la formation des Pyrénées et des mouvements tectoniques jusqu’au nord de Montpellier. (Ce sont ces mouvements qui nous intéressent à Albas).
La phase compressive débute à la fin du secondaire, mais c'est surtout au tertiaire que la phase principale a lieu. La légère rotation du bloc ibérique évoquée plus haut entraîne que la collision continentale fut progressive d'est en ouest : le serrage et le soulèvement de l'écorce terrestre commencèrent par affecter la partie orientale pour s'étendre progressivement à toute la chaîne, surrection et déformation culminant à l'Éocène (40 Ma).
Dans les Corbières occidentales, ce phénomène a provoqué, au contact du massif de terrains hercyniens (primaires) de Mouthoumet, la formation de plis approximativement Est-Ouest.
Un large synclinal se développe dans le secteur de La Camp-Talairan-Coustouges.
Dans les environs d'Albas, le flanc sud de ce synclinal est coupé obliquement par la faille inverse de Villerouge-Albas, sur la limite nord du massif hercynien.
On visualise très bien sur le terrain les couches de l'Eocène, du Paléocène et du Crétacé terminal, discordantes sur le Trias plissé de la Serre de Ginoufre, qui plongent régulièrement vers le Nord avec un pendage de 40 à 45°.
Les niveaux tendres, marneux ou argileux ont été plus facilement érodés que les strates plus dures calcaires ou calcaro-gréseuses qui forment alors des crêts saillants (Castillou Roumanissa, Roucadeu,...)
Les sédiments qui remplissent le synclinal de Coustouges-Talairan vont du Crétacé terminal à l'Eocène. Les couches plissées les plus récentes appartiennent à la molasse, continentale, de Carcassonne.
Le Quaternaire( peu étendu), des dépressions est évidemment post-tectonique.
Bloqués par le Massif Central au nord et soumis à la forte pression venant du sud, engendrée par la remontée et l’accrochage de la plaque ibérique à la plaque européenne, les terrains autour d’Albas absorbent cette formidable énergie en se plissant.
Un synclinal se forme sur l’axe TALAIRAN-COUSTOUGES et son flanc sud remonte le long de la faille dite de VILLEROUGE-ALBAS.
Des sédiments vont combler la cuvette jusqu’à la fin de l’éocène (34 Ma) complétés par de la mollasse de Carcassonne.
Le village d’Albas sera érigé sur ce flanc sud.
Les mouvements tectoniques dans la région d’ALBAS sont à ce point complexes et intéressants que les membres du Laboratoire de Géologie méditerranéenne de l’Université Paul Sabatier de Toulouse, associé au C.N.R.S. n° 145, ont réalisés et une maquette et un film en 1980.
Les auteurs en sont Mrs DURAND DELGA Michel et VIALLARD Pierre.
Le film du CNRS s’intitule : Technique de charriage dur relief émergé, Nappe des Corbières, il dure 28 minutes et a pour référence : CNC edv 169.
Description du film :
« La région des Corbières, partie orientale des Pyrénées françaises, se prête d'une manière exceptionnelle à l'observation et l'analyse fine de certains mécanismes tectoniques superficiels liés à l'avancée d'une nappe de charriage.
Le front nord-pyrénéen est observé du Sud-Ouest au Nord-Est entre Quillan et Narbonne, avec successivement le pic de Bugarach, la montagne de Tauch, puis la nappe des Corbières orientales où est particulièrement évidente, dans les lobes de Fontjoncouse et de Taura, la superposition des terrains secondaires nord-pyrénéens sur le tertiaire de l'avant-pays.
Les images des reliefs, de nombreuses coupes schématiques et une maquette sont le support d'une description précise des diverses structures : la stratigraphie, la tectonique ainsi que la relation entre relief et nature des roches sont présentées pour les différents terrains autochtones et allochtones superposés pendant les périodes géologiques successives, avec une explication de leur genèse. »